Les taux des crédits hypothécaires peuvent-ils tomber à 0%?

Pour la première fois dans notre histoire, le taux belge à long terme est tombé sous la barre de 0%. Il est cependant peu probable que les taux hypothécaires continuent à baisser.

Mercredi dernier, le rendement des obligations souveraines belges à 10 ans est passé pour la première fois sous la barre de 0% (-0,03%). Ceux qui ont souscrit ces obligations ne pourront jamais récupérer leur investissement. En d’autres termes, via une telle obligation, ils rémunèrent l’État belge pour conserver leur argent.

Le taux à long terme sert de base pour certains produits bancaires. Ce taux n’a cependant que peu ou pas d’impact sur les comptes d’épargne, dont les taux sont surtout influencés par le taux à court terme. Par ailleurs, la rémunération des comptes d’épargne a déjà été réduite au minimum légal de 0,11%. Les banques ne peuvent donc plus la réduire.

Les emprunts hypothécaires – qui dépendent du taux à dix ans – sont encore loin de 0%. Le taux moyen d’un crédit habitation à taux fixe d’une durée de 20 ans se monte, selon le bureau de conseil Immotheker, à 1,69%. Il est important de noter qu’il s’agit d’une moyenne, car, selon le profil du client, la banque peut accorder de meilleures conditions. Ces dernières semaines, certains emprunts à 20 ans ont bénéficié d’un taux fixe de 1,2%, mais ce sont des exceptions.

Le fossé qui sépare le taux des obligations souveraines de celui des crédits hypothécaires reste profond et ne devrait pas beaucoup se réduire. La baisse des taux à long terme est de moins en moins répercutée sur les crédits hypothécaires. Au début de l’année, le taux belge à long terme était encore de 0,8%. Alors qu’il a baissé de 80 points de base, le taux moyen des emprunts hypothécaires n’a diminué que de 22 points de base, si l’on en croit Immotheker.

Marge de manœuvre réduite

Les banques reconnaissent que leur marge de manœuvre a quasiment disparu. “Les taux des crédits hypothécaires ont atteint un niveau sans précédent. Nous pensons qu’il est très peu probable qu’ils baisseront encore”, estime-t-on chez Argenta.

Même son de cloche chez BNP Paribas Fortis, où l’on reconnaît que la baisse des taux ne peut se répercuter à l’infini sur les taux accordés aux clients. “Les banques doivent prendre en compte différents coûts – comme la prime de liquidité, la couverture contre les défauts de paiement et la taxe bancaire – qui empêchent les taux de baisser davantage. Le montant emprunté par rapport à la valeur du bien (Loan to Value ou LTV) joue également un rôle. Plus la LTV est importante, plus le matelas de sécurité de la banque doit être élevé, ce qui fait augmenter le taux”, explique la banque.

A noter aussi que, la semaine dernière, la marge bénéficiaire des banques sur les crédits habitation a fait l’objet de discussions. La Banque Nationale oblige en effet les institutions financières à se constituer une réserve de 1 milliard d’euros pour se protéger contre les défauts de paiement éventuels. Ce matelas supplémentaire a un impact sur les taux proposés par les banques.

Rester réaliste

C’est une utopie de penser que les taux des crédits hypothécaires seront un jour négatifs. “Cela signifierait que les clients ne devraient pas rembourser intégralement le capital emprunté. En tant qu’institution financière, nous devons réaliser des profits. Ce ne serait pas réaliste d’accorder des taux négatifs sur les emprunts hypothécaires”, ajoute-t-on chez KBC.

John Romain, d’Immotheker, estime qu’il y a très peu de chance que le taux fixe à 20 ans passe sous la barre de 1%. Tout en ajoutant que les banques sont prêtes à consentir d’importants efforts pour certains clients. “Les banques prennent en compte le profil global du client. Si une banque gagne 1,5% de commission sur le portefeuille d’investissement d’un client, elle aura tendance à lui accorder de meilleures conditions pour son emprunt hypothécaire. L’impact d’une réduction de 20 points de base du taux hypothécaire est marginal par rapport au rendement total de ce client”, ajoute John Romain.

Taux variables

Il ne faut donc pas attendre une nouvelle baisse des taux pour souscrire un emprunt hypothécaire. À l’inverse, il n’est pas nécessaire de se presser pour trouver la maison de ses rêves, car tout le monde s’accorde pour dire que les taux à long terme devraient rester stables pendant un certain temps. C’est aussi ce qui explique pourquoi de plus en plus de candidats-acheteurs optent pour un emprunt à taux variable.

Au cours du premier semestre, plus de la moitié des clients de BNP Paribas Fortis ont choisi un taux variable, contre seulement 35% en 2018. “Le taux de base d’un contrat variable est inférieur à un taux fixe, et il est possible que les taux restent bas pendant de nombreuses années, comme ce fut le cas au Japon. Dans ce cas, les clients ont intérêt à choisir un taux variable”, explique John Romain.

Pour un contrat révisable à trois ans, le taux moyen observé par Immotheker se situe à 1,27%. Si les taux continuent à baisser, les emprunteurs pourront en profiter, tandis que le risque de hausse restera limité. Un taux variable peut en effet au maximum doubler.

“Il est possible que de nombreux crédits hypothécaires n’aient pas encore été renégociés”
Ceux qui ont un crédit en cours peuvent profiter des taux bas en refinançant leur emprunt. Malgré tout, il est important de tout calculer avant de se lancer, car les coûts liés au refinancement comprennent non seulement les frais de dossier, mais aussi les frais de notaire, ce qui peut faire augmenter la facture. Les frais de notaire, qui sont facturés lorsque vous changez de banque, peuvent facilement atteindre plusieurs milliers d’euros. Un refinancement ne se justifie que si ces frais sont inférieurs au bénéfice apporté par la baisse du taux.

Les chiffres de la Banque Nationale révèlent que depuis 2015 – soit l’année durant laquelle le taux fixe à 25 ans est passé en dessous de 3% – près de 200.000 crédits hypothécaires ont été refinancés. Pour la seule période 2010-2014, plus de 700.000 nouveaux contrats ont été conclus, en principe à des taux plus élevés, même si dans ce groupe, on trouve également des contrats à taux variable. “Malgré tout, cela ne m’étonnerait pas que de nombreux crédits n’aient pas été refinancés”, commente John Romain d’Immotheker.

Ceux qui ont souscrit un contrat hypothécaire à taux fixe entre 2010 et 2016 ont intérêt à vérifier si un refinancement de leur contrat serait avantageux.

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