Immobilier: est-ce toujours le moment d’investir?

Immobilier: est-ce toujours le moment d’investir?

La crise du coronavirus vient s’ajouter à une longue liste de périodes difficiles. Et pourtant l’immobilier résidentiel belge les a toujours traversées sans trop de problèmes. Pourquoi ?

L’histoire le démontre : le secteur immobilier résidentiel a toujours su sinon profiter, du moins résister, et plutôt bien, aux crises. Mais si cela se vérifie en Belgique, il n’en va pas de même dans d’autres pays. La crise des subprimes aux Etats-Unis est encore bien présente dans les esprits avec le malheur rapporté en mondovision de ces milliers d’Américains mis à la porte de leur propre domicile car ils n’avaient plus les moyens de rembourser un emprunt hypothécaire qui avait subitement explosé.

Plusieurs facteurs expliquent cette parfaite résilience de l’immobilier belge. Le premier tient à ce besoin de base que représente le fait de se loger. « Tout le monde a besoin d’un logement et le coronavirus ne va rien y changer », estime ainsi Serge Lejeune, propriétaire de H-3D, une société de consultance et d’investissement en immobilier. « Si une partie de la population ne peut pas se permettre d’acheter, elle loue à quelqu’un qui a plus de moyens qu’elle, c’est-à-dire les propriétaires. C’est comme ça depuis toujours. Bien sûr si davantage de personnes avaient accès à la propriété, ce serait mieux d’un point de vue social… »

Le Belge veut être propriétaire de son logement. Plus de 75 % de la population l’est, ce qui fait de notre pays une exception quasiment mondiale, mais ce chiffre est en train de (fortement) diminuer depuis un certain temps. La crise financière de 2008 a profondément modifié l’ADN de la brique belge en poussant beaucoup d’investisseurs non occupants à s’intéresser à elle. « Si ceux-ci étaient entre 30 et 40 % à acheter des biens dans des projets neufs avant la crise, la proportion est montée à 60 % à partir de 2009, pour monter encore davantage dans les années qui ont suivi car les promoteurs n’ont pas manqué de leur faire les yeux doux en leur proposant, par exemple, des produits garantis », expose Serge Lejeune.

Valeur refuge

Cet afflux d’investisseurs non occupants est dû à la Bourse et ses fluctuations trop souvent imprévisibles, qui repoussent toutes les certitudes et freinent les ardeurs. « En 2008, beaucoup d’investisseurs, qui ont perdu en moyenne 35 % de leurs placements, se sont tournés vers l’immobilier, considéré comme une valeur refuge. Pendant cinq ans, notre immobilier a pu capitaliser sur cette aubaine avant de voir un retour progressif vers les Bourses. Mais aujourd’hui, le boursicoteur se prend une deuxième gifle en plein visage. Il sera encore plus convaincu qu’avant du bien-fondé d’investir dans la brique », assure le CEO de H-3D. « Ajoutez à cela la présence sur l’échiquier mondial de chefs d’Etat comme Trump, aux Etats-Unis, qui peuvent prendre des décisions dramatiques sur un coup de dé et vous comprendrez pourquoi les marchés boursiers ne sont plus du tout stables. »

Si la Bourse ne lui apporte plus un minimum de sérénité, l’investisseur va se tourner encore davantage vers l’immobilier, et sans doute vers le résidentiel, soit le secteur qui apparaît comme le plus sûr puisqu’au vu de la demande actuelle du marché, un propriétaire finira toujours par trouver un locataire. Surtout si le bien jouit d’une situation idéale. « Tout ce qui se trouve à proximité des centres et moyens de mobilité prendra beaucoup de valeur à l’avenir », conclut Serge Lejeune. « Celui qui possède aujourd’hui un terrain en centre-ville pourrait très bien le voir enregistrer une augmentation de valeur à deux chiffres dans les prochaines années… »

Patron de l’agence Latour & Petit, Denis Latour ajoute un autre élément à la résilience de l’immobilier belge : la qualité de son habitat et l’attention que lui portent les Belges. « La crise actuelle va pousser tout le monde vers un habitat de qualité car le confort sera plus important que jamais », souligne-t-il ainsi. « Le Belge a toujours consacré un budget important à l’endroit où il vit et, à l’avenir, il va aussi consacrer davantage d’importance à l’endroit où il travaille. Le confinement auquel nous avons tous été confrontés va apporter une transformation. Celui qui vit dans un appartement sans terrasse voudra un rez avec jardin. Celui qui vit dans un appartement avec terrasse se dirigera vers une maison avec une cour ou, si possible, un jardin. Et celui qui en a déjà un en voudra probablement un plus grand… »

Une croissance constante

La qualité du bâti belge ne se dément pas. Et les améliorations sont constantes. « Même si la hausse démographique entraîne une nécessité annuelle de nouveaux logements et même si la production n’est pas toujours à la hauteur dans les segments où les besoins et la demande sont les plus forts, nous sommes dans un phénomène de croissance constante », insiste l’agent immobilier. « Des facteurs comme les performances énergétiques des bâtiments ou l’isolation thermique et phonique sont particulièrement poussés en Belgique, à cause de notre climat, et ça va continuer. Les gens investiront plus dans l’immobilier et feront des économies ailleurs. Les voyages lointains seront rognés pendant les mois et les années à venir et, malheureusement pour les restaurateurs, les frais de restaurants seront eux aussi revus à la baisse. Tout le monde va faire des économies pour anticiper de nouvelles éventuelles crises… »

Le retour vers la ville observé ces dernières années a été favorisé par les améliorations apportées à l’espace urbain et à la mobilité. « Les villes ont créé des quartiers où l’on se sent bien et les pistes cyclables ont poussé les gens à acheter des vélos électriques et à délaisser la voiture », poursuit Denis Latour. « Mais la question aujourd’hui est de savoir ce que fera le navetteur qui passe de nombreuses heures dans les transports. Avec la reconnaissance du télétravail, aura-t-il encore envie d’aller travailler à Bruxelles ou préférera-t-il rester dans sa campagne où la qualité de vie est meilleure ? Et celui qui vit à Bruxelles ne voudra-t-il pas déménager vers des communes moins chères ? »

Le Covid-19 a ramené en mémoire la crise financière de 2008. Mais est-elle réellement comparable à celle que nous vivons ? « En 2008, la crise était plus mécanique et financière et liée à un processus d’endettement », se souvient Denis Latour. « Les investisseurs s’étaient alors recentrés vers l’immobilier, peut-être moins rentable que la Bourse mais surtout moins risqué. Ici, la crise touche tous les secteurs de l’économie. »

Notaire à Genappe et président de la Commission immobilière du Brabant wallon, Emmanuel Estienne abonde dans ce sens. « En 2008, l’économie a été frappée de plein fouet, mais cela concernait uniquement les marchés financiers. Ici, tous les pans de l’économie sont touchés et on ne maîtrise ni les tenants ni les aboutissants. »

Le tempérament du Belge

Si l’immobilier résiste si bien aux crises, c’est essentiellement dû au tempérament du Belge. « Il a une brique dans le ventre, c’est toujours vrai », insiste le notaire. Mais il y a plus que ça. « L’immobilier est générateur de rentrées financières importantes pour l’Etat et les Régions. C’est un élément déterminant dans l’évolution du PIB d’un pays. Ce n’est pas pour rien si en France, où l’immobilier représente 10 % du PIB national, le gouvernement lui-même a exercé une pression sur les promoteurs pour qu’ils reprennent leur activité. »

La crise est réelle et Emmanuel Estienne ne la nie évidemment pas. Mais c’est l’attitude des banques qu’il va falloir surveiller de très près pour jauger les répercussions qu’elle aura sur l’immobilier. « Leurs exigences de financements sur fonds propres risquent d’être plus importantes, ce qui pourra écarter de nombreux candidats acquéreurs de l’accès à la propriété. Pour l’heure, on n’observe pas une incidence sur les prix, mais bien une forte baisse de l’activité, ce qui est normal. Puisque peu de compromis ont été passés durant les 6 à 8 semaines écoulées, on observera forcément un creux dans 3, 4 mois, entre août et octobre, dans la signature des actes définitifs. Ce qui entraînera des baisses financières pour l’Etat mais aussi pour les études notariales, qui concernent tout de même 10.000 personnes dans notre pays. »

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